The AdR Fellowship in Saphir News
Le dialogue judéo-musulman, revu par la fondation De Rothschild: link
Interview de Firoz Ladak, directeur de la fondation
Réunir des jeunes entrepreneurs sociaux de confessions juive et musulmane, tel est le nouveau défi du programme de formation d’Ariane de Rothschild « Dialogue et entreprenariat social », lancé pour la première fois en juillet dernier, à New York, sous l’égide de la fondation Edmond de Rothschild, dont le nom s'est historiquement fait connaître par ses activités bancaires, philanthropiques et par leur soutien au sionisme. Alors que la reconduction du programme l’an prochain semble probable, de nombreuses questions se bousculent quant au contenu et à la pertinence du projet. Firoz Ladak, directeur général de la fondation, et Gaëtan Baudry, un de ses collaborateurs, ont accepté de répondre aux questions de Saphirnews.

Saphirnews : Qu’est-ce qui a poussé Ariane de Rothschild à créer un tel programme ? Quels sont ses objectifs ?
Pour ce programme, on s’intéresse particulièrement à la France, à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Ces communautés qui vivent dans ces pays connaissent effectivement des questions autour de l’intégration, de la définition de ce qu’est d’être, par exemple, un citoyen français et musulman ou français et juif. Ce sont des questions qui vont beaucoup plus loin que ce qui se passe entre Israéliens et Palestiniens.
Pourtant, les relations judéo-musulmanes ont été très mouvementées en début d’année 2009 avec les attaques israéliennes contre Gaza. Est-ce un moyen, à travers ce programme, de renouer des relations ?
Le succès du programme a bien montré qu’on est justement capable d’aller au-delà de ce qui s’est passé à Gaza, même, si durant l’université d’été, les discussions n’ont pas amené les gens à être d’accord, loin de là.
Pourquoi avoir choisi de se centrer seulement sur des jeunes de confessions juive et musulmane ?
C’est la raison pour laquelle on parle de dialogue interculturel et non pas interreligieux. Ceux qui pourraient faciliter les relations et les contacts entre les deux communautés sont des personnes plus jeunes, moins liées par des considérations et des obligations propres à leur organisation représentative, des individus qui se définissent comme juifs ou musulmans de façon beaucoup plus culturelle que purement religieuse.
Comment avez-vous sélectionné les participants ? Quels étaient leurs profils ?
Qu’ils soient juifs ou musulmans, ils sont là avant tout pour améliorer leurs compétences en entrepreneuriat social. Ils passent par Columbia, l’une des plus prestigieuse business school au monde, qui leur enseigne comment améliorer leurs compétences en marketing, en stratégie ou en comptabilité.
Quant au volet dialogue, il a été assuré par l’université de Cambridge, qui a produit, durant ces semaines, à New York, un programme axé sur des sujets sociaux, historiques ou culturels qui pouvaient séparer ou unir ces communautés.
Le programme a été plutôt riche en enseignements et a donné une grande place aux visites, aux rencontres et aux conférences, dont une sur l’islamisme et ses origines. Pourquoi pas une sur le sionisme ? Est-ce une forme de parti pris ?
On n’en a pas fait sur le sionisme cette année simplement parce que les professeurs de Cambridge travaillant sur le programme n’avaient pas forcément les compétences que l’on cherchait. Pour l’an prochain, nous identifierons la bonne personne pour qu’elle puisse rééquilibrer le programme.
Parleriez-vous d’un succès ? Quelles autres améliorations apporteriez-vous pour l’an prochain ?
Néanmoins, on peut dire que le programme était très dense car il s’agissait de compacter, en deux semaines, la dimension business de Columbia avec la dimension sociale de Cambridge. Je pense que les participants avaient du mal à reprendre leur souffle. Si le programme est reconduit, on allégerait le programme et on laisserait plus de place aux ateliers. Tous étaient en demande de temps pour discuter entre eux, ce qui fait partie des principaux objectifs du programme.
Pour les Français, la difficulté était principalement linguistique. Tous ne parlaient pas bien l’anglais, même si on avait testé leur niveau de façon préalable. Ce programme demande aux participants une préparation en amont assez soutenue, ce qui est parfois difficile car certains des fellows étaient complètement occupés par leur travail. On envisage de mettre en place un atelier d’anglais deux mois avant le programme et d’étaler cette préparation dans le temps pour les Français.
Par la suite, entreprenez-vous un suivi de ces fellows ? Et de quelle manière ?
On réfléchit à les faire rencontrer des experts sur la création et l’amélioration d’un business plan par exemple, sous forme de conférences-call, qui pourraient intervenir en ligne sur des thématiques, car les participants sont sur trois pays différents. L’entrepreneur social a peu de temps à consacrer à sa formation, donc les formations doivent être efficaces et courtes, voilà à quelles contraintes doit répondre le site. Mais tout cela est en cours d’élaboration.
Selon vous, le fait de s’appeler De Rothschild peut-il s’apparenter à une difficulté qui mine la volonté de certaines personnes de participer au programme ?
Nous avons envisagé des partenariats avec d’autres fondations, notamment musulmanes, pour avoir un vrai équilibre. Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité, mais on y travaille.
Quel message souhaitez-vous passer à travers ce programme ?
F. L. : On aimerait contribuer, à notre modeste échelle, à combler un fossé. Ce n’est pas parce qu’on est juif ou musulman que l’on doit considérer l’autre comme un ennemi. L’autre point est d’utiliser l’entrepreneuriat social comme un vecteur de rapprochement. Les États ne peuvent répondre à tous les besoins ; c’est là que des fondations comme la nôtre ont un rôle à jouer.